PÉTROLE: La surproduction actuelle pourrait provoquer une chute des cours du brut. Les tensions montent au sein de l'Opep
Lefigaro.fr (Reuters.) Eric de La Chesnais [11 avril 2003]
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole paraît aujourd'hui placée le dos au mur. L'unité affichée depuis le 29 mars 2000 est à nouveau mise à rude épreuve. Alors que la guerre en Irak s'achemine vers une victoire américaine, la réalité de la situation d'un marché pétrolier surapprovisionné éclate aujourd'hui au grand jour. «Les pays de l'Opep produisent actuellement plus de 2 millions de barils/jour au-dessus de leur quota officiel de 24,5 millions de barils par jour», expliquait hier le président de l'Opep, le Qatarien Abdallah Ben Hamad al-Attiya, lors du quatrième sommet pétrolier international à Paris. La prime de guerre, en maintenant les prix à niveau élevé, couvrait jusqu'à présent le déséquilibre. «Cette prime atteignait même jusqu'à 8 dollars sur le prix du baril», selon Nordine Aït-Laoussine, l'ancien ministre algérien du Pétrole.
Avec l'accélération des événements en Irak, la donne a changé. Le risque d'approvisionnement lié à la guerre s'est éloigné. «Le pays ne produit plus que pour ses besoins intérieurs, soit entre 300 et 400 000 barils par jour», selon un expert. «Le Venezuela produit 70% de ses capacités (2,4 mbj) et la situation s'est stabilisée au Nigeria», ajoute-t-il.
Cette situation pourrait même s'aggraver. «Le surplus pourrait atteindre 4 millions si le Nigeria et l'Irak reviennent à leur pleine capacité de production de pétrole», explique Abdallah Ben Hamad al-Attiya.
La traduction de cet état de fait sur les cours du brut ne s'est pas fait attendre. Ils sont repassés en dessous de 30 dollars. Hier, en milieu d'après-midi à Londres, le brent cotait 24,88 dollars le baril en baisse de 44 cents. A New York, en soirée, le WTI reculait de 1,39% à 27,46 dollars.
Sans réactions de l'Opep, la chute des cours risque de se poursuivre. «Si le cartel ne fait rien, les prix du baril tomberont en dessous des 22-28 dollars, la fourchette de prix jugée «raisonnable» par l'Opep, ajoute Abdallah Ben Hamad al-Attiya. Il y aurait donc urgence. «Les pays membres de l'Opep doivent prendre des mesures radicales et rapides pour enrayer la surproduction actuelle et la chute des cours qui en découle. Il n'y a certes pas de risques d'implosion de l'Opep. L'Organisation a déjà survécu à des crises où le baril valait 8 à 9 dollars. Mais de sérieuses discussions auront lieu pour éviter que le scénario de 1998 ne se reproduise», assure Nordine Aït-Laoussine.
La réunion extraordinaire des membres de l'Opep, prévue à Vienne pour la fin avril ou début mai, sera donc décisive. Tous les scénarios seront passés en revue pour éliminer le surplus de pétrole. «Nous avons deux options : réduire la production ou respecter les quotas. Ce sont toutes les options ouvertes que nous avons pour stabiliser le marché et essayer d'éliminer le surplus», affirme le président de l'Opep qui se dit favorable à un baril à 25 dollars. «L'Opep a atteint une certaine maturité, agissant assez vite et arrivant à gérer le marché de manière satisfaisante», confie pour sa part Pierre Terzian de Pétrostratégies.