Adamant: Hardest metal
Friday, April 11, 2003

Chronique des marchés: Les marchés financiers ont déjà anticipé la fin de la guerre

LE MONDE | 10.04.03 | 15h30

A force de chercher constamment à anticiper les événements, les marchés financiers ont pris une longueur d'avance sur la réalité. A tel point que leur réaction à l'arrivée des chars américains au cœur de Bagdad, mercredi 9 avril, pouvait paraître surprenante : aucune envolée boursière, bien au contraire ; les marchés obligataires se sont redressés grâce à un mouvement de vases communicants des capitaux en provenance des actions ; et le dollar, qui évoluait jusqu'alors au son des victoires remportées par les troupes américaines, s'est replié.

REPLI BOURSIER

Aux Etats-Unis, l'indice Dow Jones des trente premières capitalisations industrielles a reculé de 1,22 %, pour finir la séance de mercredi à 8 197,94 points.

L'indice composite du Nasdaq (sociétés de technologie) a chuté de 1,89 %, à 1 356,74 points. En Europe, seul le marché allemand, dont les horaires lui permettent de suivre plus longtemps la séance de New York, a reproduit un recul aussi prononcé qu'aux Etats-Unis. Il a cédé 1,22 %, à 2 734,10 points. Les autres Bourses européennes ont nettement moins perdu, à l'instar de l'indice Footsie de Londres, qui a baissé de 0,19 % pour finir à 3 861,40 points. Variation identique à Paris, où l'indice CAC 40 a terminé à 2 888,03 points. Enfin, l'euro, qui avait gagné du terrain sur le dollar, conservait son avance, jeudi matin 10 avril, à 1,0789 dollar. Ces mouvements seraient à attribuer à des investisseurs qui, considérant la guerre quasi terminée, reviennent aux "fondamentaux" moroses de l'économie.

UNE ÉCONOMIE EN ATTENTE

Les stratèges de marché commencent à ébaucher des scénarios d'après-guerre. "L'économie américaine va continuer de faire de la croissance, mais plus lentement que prévu par le consensus des économistes", estiment les experts de CDC Ixis dans une analyse intitulée "Méfiez-vous de l'idée de reprise rapide de l'économie des Etats-Unis". Les experts ajoutent : "Les déficits budgétaire et commercial vont rester très importants. Dans un an, les taux d'intérêt aux Etats-Unis seront plus hauts (...). Mais entre-temps, surtout pendant les prochains mois, on peut s'attendre que les taux baissent un peu. Les données sur la confiance des consommateurs, la production industrielle, l'utilisation des capacités, le chômage peuvent rester médiocres pendant les prochains deux ou trois mois, et une forte reprise pourrait être retardée jusqu'au deuxième semestre de 2003. Comme l'économie était plus faible que prévu en février et mars, les bénéfices des entreprises risquent d'être décevants pendant les prochaines semaines."

FLUCTUATIONS SUR LE PÉTROLE

L'effondrement du régime irakien n'a pas plus ébranlé le flegme des opérateurs du London Petroleum Exchange, plus préoccupés par la baisse des stocks de brut aux Etats-Unis et la peur d'une réduction de la production qui pourrait être décidée par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Le baril de référence du brent de la mer du Nord pour livraison en mai valait 25,16 dollars, jeudi à l'ouverture à Londres, contre 25,33 dollars la veille.

Reste qu'en dépit d'une hausse de 2,72 %, mercredi, la City parie sur une baisse à long terme des prix du pétrole. "Le plafond de la demande a été atteint en février en raison d'un hiver anormalement froid aux Etats-Unis. Sur le front de l'offre, l'interruption des livraisons irakiennes est largement compensée par le retour à la normale au Venezuela et la hausse de la production saoudienne, qui a même éclipsé les difficultés du Nigeria", assure Kenneth Noorish, du courtier Barclays Capital. La reprise de la production irakienne n'est pas pour demain, même si l'infrastructure irakienne a été sauvegardée, les dégâts aux puits étant jugés minimes. La guerre ne s'est pas étendue aux pays producteurs voisins, l'Arabie saoudite et le Koweït. La prolongation du programme "Pétrole contre nourriture" pour 45 jours devrait être rapidement entérinée par l'ONU, estiment les spécialistes. Toute l'attention se concentre désormais sur la réunion, le 24 avril, de l'OPEP.

"L'évolution dépend de l'ampleur de la réduction de la production que va décider l'organisation. Sa marge de manœuvre est toutefois limitée par la nécessité de ne pas se mettre à dos les Etats-Unis en se montrant trop cupide", souligne John Rigby, analyste du secteur énergétique auprès de la Commerzbank.

Cécile Prudhomme et Marc Roche (à Londres)

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